Les distances de lancers en surfcasting se sont toujours posées en véritable dilemme pour le pêcheur. Ce dernier est souvent tenté de pousser ses lancers dans leurs derniers retranchements en pensant ainsi améliorer ses chances de réussite. Pourtant, le choix de la distance est bel et bien un élément majeur de la réflexion. Le poisson ne se trouve pas systématiquement au loin.
Avant de lancer son appât, analysons ce qui se passe sous l’eau
Les poissons réagissent à leur milieu en fonction de la nourriture qu’il met à leur disposition. Ils choisissent systématiquement les secteurs les plus favorables à l’acte alimentaire. Ces secteurs peuvent être fixes et permanents lorsque la nourriture y est installée de façon durable, nous parlons ici des bancs de roches, des prairies d’algues ou des épaves en tous genres. Ils peuvent également être mobiles si la nourriture progresse avec le flot, arrachée de son substrat par les courants ou les lames de fond. Le choix de la distance de pêche peut donc être plus ou moins délicat, selon que vous abordiez tel ou tel type de poste.
Sur les digues, la hauteur permet de lancer plus loin en surfcasting grâce au surplomb qu’elles offrent. Bien souvent, cette particularité permet de faire la différence pour les quelques mètres gagnés
De nos jours, les matériels mis à votre disposition sont des outils performants qui ont considérablement amélioré les distances moyennes de lancers pour le surfcasting. Alors que dans les années 90 un pêcheur de niveau moyen peinait à dépasser la barre des 100 mètres avec appâts, les jours que nous vivons aujourd’hui offrent généreusement des lancers moyens situés au-delà des 120 mètres, simplement grâce à l’amélioration des carbones et des résines. Ces 20 mètres de différence sont d’une importance colossale. Le profil général des côtes françaises situe généralement la cassure des fonds dans les 90/100 mètres du bord. Il est bien rare de ne pas trouver sur une plage un secteur intéressant à de telles distances. Les 20 mètres que vous pourrez gagner sont donc pour vous l’assurance de passer au-delà et de toucher des poissons bien moins difficiles à prendre.
Pourquoi lancer loin en surfcasting ?
Ce qu’il est important de comprendre réside dans le comportement craintif des poissons. Ces derniers, et particulièrement les bars et dorades, sont extrêmement sensibles à la pression d’eau. Plus la hauteur d’eau est importante au-dessus de leur tête et moins ils montrent de réticence à parcourir de chemin. Parfois, une variation d’un mètre peut faire toute la différence.
En clair, le poisson touché à 120 mètres du bord est bien moins méfiant que celui qui est approché à moins de 100 mètres.
Cette constatation reste vraie à chaque fois que la mer est relativement calme car l’environnement sonore compte énormément. Plus la mer s’agite et plus le bruit ambiant grimpe en intensité, perturbant ainsi les réactions du poisson. Il est donc naturel, par beau temps, de chercher à tenter le poisson le plus loin du bord.
Je vous invite donc à ne pas vous borner à vos propres capacités de lancer mais au contraire de chercher à les améliorer, votre vie entière devrait être consacrée en partie à l’amélioration de ces distances de lancer. Sachez que de nos jours, la meilleure des techniques de lancer en surfcasting associée à un matériel performant permet de pêcher au-delà de 180 mètres ! Pour atteindre de telles distances, il est important de préciser qu’une canne à répartition est indispensable et qu’elle doit être associée à un lancer sud-africain ou pendulaire et à un corps de ligne de moins de 22/100. Cela limite donc naturellement le champ d’action aux mers très calmes. Pourtant, avec un simple lancer par-dessus la tête et un matériel traditionnel, n’importe lequel des pêcheurs peut espérer atteindre la barre mythique des 150 mètres en travaillant sa technique.
Les cannes actuelles permettent, avec un minimum de technique, d’atteindre la barre fatidique des 150 mètres.
Avec une telle distance, vous ajoutez encore 30 mètres au compteur et vous entrez alors dans un tout autre monde, un monde où le poisson est extrêmement réceptif et motivé par la bonne présentation d’un appât. J’insiste particulièrement sur le fait que ces dizaines de mètres gagnés sont d’une importance majeure en ajoutant un autre facteur : celui de la taille des poissons. En effet, dans toutes les fratries, la logique de l’âge est immuable. Les gros poissons se tiennent systématiquement plus au large du danger potentiel que les petits. On rencontre également cette règle en pêchant aux leurres.
En clair, les petits poissons restent souvent à portée immédiate de vos lancers, surtout si ces derniers se situent à moins de 100 mètres. Les gros poissons restent au-delà. Certes, il est des moments rares où ces gros pépères viennent à terre, mais cela se joue très souvent sur de courtes périodes et en des endroits bien précis. On constate donc que bien souvent, quelques dizaines de mètres de plus permettent de toucher de plus beaux poissons. Pour illustrer cette analyse, je donnerais une petite anecdote que j’ai vécue avec l’équipe de France de surfcasting. Cette année-là les Championnats du Monde avaient lieu en Angleterre. Toutes les équipes ont pris des quantités impressionnantes de poissons : lieus, petites morues, roussettes, merlans et autres. Notre équipe de France était gonflée à bloc à l’issue des manches d’entraînement.
Parfois, lorsque les coups de mer meurent, le poisson se rapproche du bord. Il faut donc être capable de freiner ses ardeurs pour lancer à quelques dizaines de mètres seulement.
Pourtant, la compétition terminée, la déception se lisait sur les visages. Il est probable que l’équipe de France avait pris le plus nombre de poissons, toutes équipes confondues. Le hic venait de la taille minimale de capture qui se situait aux alentours des 28 cm. Aux distances atteintes par les Français, la majorité des poissons mesuraient entre 24 et 26 cm, seuls quelques rares effrontés atteignaient la taille. Du côté de nos voisins anglais, qui à l’époque ajoutaient bien une trentaine de mètres aux distances des Français, les poissons mesuraient entre 28 et 40 centimètres, sans exception…
Dans le Nord de la France, les distances sont capitales, comme dans la plupart des eaux froides.
Sur ces championnats du monde, la technique de pêche n’a su faire la différence, seule la distance permettait de décupler les chances. J’ajouterais à cela un symptôme habituellement rencontré sur les concours de surf français. Si on regarde l’ensemble des plages françaises, on remarque qu’elles possèdent une déclivité limitée. Les pentes sont généralement douces avec une cassure très marquée à une certaine distance. Au coup de feu du départ, les compétiteurs lancent tous en même temps. On peut estimer que plus d’une centaine de plombs de 100 à 150 grammes déferlent sur une bande de moins de 20 mètres de large au même instant. On remarque également que quelques poissons sont systématiquement pris dans les premières secondes et qu’ensuite un calme magistral s’impose sur toute la plage. Seuls quelques pêcheurs qui lancent au-delà de cette bande réussissent encore à tirer leur épingle du jeu… Il faut bien souvent attendre plus d’une heure pour que les touches reviennent au plus grand nombre.
Lorsque la marée descend, les courants augmentent. Généralement, à la descendante, les montages pêchent mieux.
L’explication la plus plausible reste selon moi la réaction de défense des poissons qui fuient ce bombardement de plomb soudain. Ils s’éloignent de la zone, parfois de quelques mètres seulement. Trouvant alors quelques appâts bien esseulés au delà de la zone « dangereuse », ils n’hésitent pas à les gober. Ce n’est qu’une fois que les chutes de plombs se sont espacées qu’ils daignent revenir peu à peu vers le bord.
Il faut être parfaitement conscient de l’importance majeure que revêt la plombée dans la discrétion de pêche. Si les gros plombs ont des avantages indéniables en matière de tenue de ligne ou de distance de pêche, ils restent pénalisants face à des petits plombs, les pêcheurs de la côte d’Azur le savent bien…
Pour les pêches fines, le dilemme se situe entre la distance à atteindre et le poids des plombs.
Pour nos amis méditerranéens qui pêchent bien souvent le marbré (rayé pour les atlantiques), la question du poids de plomb et intimement liée à celle de la distance. Le choix n’est pas toujours évident à faire lorsqu’il s’agit de lancer à 130 mètres un ver de sable avec un plomb de 50 grammes… Lorsque l’on connaît le vice de ce poisson et sa capacité à tout recracher en un instant, on comprend mieux le dilemme.
Toutes ces expériences nous conduisent à penser une chose : la distance de lancer en surfcasting est un élément majeur dans la réussite. Elle ne doit pourtant pas faire oublier que le choix de la plombée est tout aussi capital et que l’un ne doit pas se faire sans l’autre.
Certains doivent maintenant se demander comment cela se fait-il que certains pêcheurs prennent du poisson en toute bordure ?
le lancer au bord en surfcasting
Dans certaines situations, le poisson se trouve à « toucher terre ». Alors que les plus longs lancers restent stériles, le pêcheur n’a d’autre solution que de raccourcir les tirs. Il faut pourtant avoir conscience de cela pour agir de la sorte et bien des pêcheurs, focalisés sur leurs performances de lancer, l’oublient très souvent. La première règle est donc, en cas de calme plat, de tester absolument toutes les distances de pêche, de 10 mètres au large.
Le poisson revient en terre en diverses occasions. Généralement, le petit matin, au lever du jour, les poissons ont eu le loisir de rentrer en plage à la faveur de la nuit. Ils viennent y dénicher toute la nourriture portée par les vagues mourantes. Placer systématiquement une canne tout au bord est une attitude fortement conseillée.
Dès que le crépuscule arrive, la luminosité baisse et les poissons ont plus de facilité à se rapprocher du bord. De longs jets peuvent donc devenir pénalisants, il faut y rester attentif.
Dans d’autres cas, le poisson peut se trouver relativement près du bord lorsqu’il y trouve des fosses, des chenaux ou des trous. Sur des plages peu profondes, soumises à la violence des vagues du large, ces secteurs plus profonds permettent au poisson d’attendre la nourriture avec plus de sérénité et de tranquillité. En début de partie de pêche, il est donc intéressant et même indispensable de repérer ces zones plus calmes. Sachez que même si elles se trouvent à moins de 50 mètres du bord, elles peuvent être particulièrement profitables.
Bien souvent, des gros poissons circulent dans ces trous, il ne faut donc pas hésiter à y placer de beaux appâts. Soulignons au passage qu’une seiche de 20 cm n’atteindra jamais 100 mètres, les meilleures distances étant plutôt de l’ordre de 40 à 50 mètres. À la vue des prises que ce type d’appât rapporte chaque année, il est facile de comprendre que les beaux poissons ne se prennent pas qu’au large.
Il est aussi important de souligner une nuance entre les jours de prises au loin et ceux où le poisson réside en terre.
Dans le premier cas, nous avons vu que les gros poissons se tiennent au large des plus petits. Prendre des petits poissons laisse donc toujours l’espoir de piquer un plus gros en allongeant les tirs.
Lorsque le poisson se trouve au bord, le problème est différent. Les petits laissent alors toujours place aux plus gros et quittent les lieux. Il est donc rare de prendre des gros et des petits en même temps, et les uns sont rarement remplacés par les autres en quelques minutes seulement. Il faut toujours un certain temps (plusieurs heures) pour que la bascule s’établisse.
En fait, les gros poissons venant en terre adoptent plus souvent une attitude de chasse qu’un comportement de fond. Les petits se sentant moins en sécurité au bord qu’à 100 mètres, ils fuient dès qu’ils perçoivent l’approche de leurs aînés.
Cette petite précision nous amène à comprendre pour quelle raison il est fortement conseillé de pêcher en bordure avec de gros appâts (principalement pour le bar) carnés tels que calamar, seiche ou poisson. L’utilisation de vers n’apporte que peu de résultats sur les gros poissons dès que l’on pêche à moins de 50 mètres.
Conclusion
Pour conclure sur l’épineux problème des distances de pêche, je résumerais en six points majeurs :
1. Ce n’est pas votre distance de pêche qui détermine l’emplacement des poissons mais tout l’inverse. Ne vous laissez pas piéger par les sirènes de la distance mais restez en maître. Cherchez le poisson là où il se trouve et n’espérez pas qu’il vienne à vous !
2. Par mer calme, le poisson aime se savoir en sécurité par la présence d’un importante masse d’eau. En de telles circonstances, la distance est une alliée précieuse.
3. Par mer calme, les gros poissons se tiennent toujours plus au large que les plus petits.
4. Par mer calme, la plombée est importante et doit faire l’objet d’une analyse profonde.
5. Par mer agitée, les poissons peuvent revenir en bordure chercher la nourriture dans les trous et secteurs plus profonds.
6. Par mer agitée, les gros poissons chassent les petits de la bordure lorsqu’ils y viennent en quête de nourriture.
La distance de pêche n’est jamais une chose acquise. De nos jours, tout pêcheur assidu est en perpétuelle remise en question. Être capable de pêcher à plus de 150 mètres demande un sérieux investissement personnel et n’élimine pas la nécessité de s’intéresser aux touts premiers mètres de la côte. Cette attitude réfléchie permet de rester efficace en toutes circonstances et constitue une base solide pour le pêcheur. Sans elle, toute la technique de présentation des appâts ne peut apporter les résultats escomptés.