Tout commence par une visite de courtoisie chez Daiwa au salon de la pêche de Clermont en janvier 2008, pour aller voir pour la énième fois le petit branzino (vous savez celui avec une coque de Formule 1) quand sur l’écran d’un plasma, je vois un type dans une pirogue se faire démolir proprement par une espèce d’obus !!! C’est où et c’est quoi ? Cette attaque soudaine et violente provient d’un Aïmara et c’est en Guyane ! Énorme !! Depuis ce jour la pêche d’Aïmara en Guyane m’obsède
L’idée de ce voyage de pêche en Guyane commence à se dessiner dans ma tête
L’idée germe…D’un caractère assez curieux, je prends quelques renseignements de droite à gauche, quand Gérard m’apprend qu’il connaît la chose. L’année passée il a eu l’occasion de partir à la rencontre du méchant poisson. Voyage d’où il a ramené un record du monde de l’espèce avec un spécimen de 14,9 kg (décidément il mesure et il pèse tout Gérard). Quelques coups de téléphone plus tard, le départ est fixé fin février début mars au même endroit et avec les mêmes guides que l’année passée. Il nous reste donc un petit mois pour préparer le voyage de pêche au gros poisson. Cannes 30 lbs spinning et casting, popers et sticks baits ainsi qu’une poignée de leurres souples et têtes plombées pour voir.
Le départ est prévu le dimanche du salon de Nantes (pratique le salon pour faire les dernières courses au cas où), juste le temps pour moi d’envoyer quelques bilevesées et calembredaines bien ciblées aux différents gars d’Ultimate (Stanley et Yannick en tête). Rendez-vous a l’aéroport d’Orly avec Gérard et Philippe, raccroché à la dernière minute, pour un départ à 8 heures du matin direction Cayenne.
Départ pour Cayenne
L’avantage pour la Guyane est l’absence de visa, par contre la vaccination contre la fièvre jaune est absolument impérative si vous ne voulez pas regarder vos amis partir sans vous.
Dans ce voyage plusieurs choses m’attirent. Je ne connais ni la Guyane, ni la forêt amazonienne. J’ai bien entendu parler du bagne, de la fusée Ariane, des clandestins et des orpailleurs qui bien souvent sont d’ailleurs les mêmes. Mais je n’ai qu’une vague idée de ce qui nous attend de l’autre côté de l’Atlantique ? En France, car la Guyane c’est la France ! Sûrement pas celle que nous connaissons.
L’autre curiosité c’est évidemment l’AIMARA. Au regard des photos, il ressemble plus à un poisson préhistorique survivant du fond des âges, un mélange de coelaquante avec la tête d’un mauvais, un très mauvais garçon. Notre équipe arrive à Cayenne 8 h plus tard, nous récupérons nos bagages les derniers (une fois de plus). Quand a mon rod case, il a pris un méchant pet’. Vérification faite ma big bait n’a rien. La douanière nous fait un peu de zèle concernant la valeur de notre matériel de pêche. On échappe à la taxe sur les importations au-delà de 600 Euro en prétextent que notre matériel est d’occasion et que sa valeur ne doit pas dépasser cette somme. Pour 3 Bigbaits et 1 Zenaq ce n’est pas cher.
François nous attend dans le hall pour nous conduire chez lui, à 2 heures de voiture de la capitale. Direction Cacao où nous faisons connaissance de Rose, son épouse et de François son frère. La route pour Cacao nous met immédiatement dans l’ambiance, il fait chaud très chaud et l’humidité est partout. Il a énormément plu depuis une semaine. Les rivières sont en crue et la pêche en Guyane est très difficile.
Pas très rassurant tout ça ! Mais le cœur y est, et puis ce n’est pas souvent que nous passerons une dizaine en forêt amazonienne. Le départ se fera demain a l’aube.
Départ en pirogue pour la pêche à l’aïmara
Direction : le barrage de petit saut sur l’embouchure de la Sinnamary.
L’organisation est sans faille, je sais tout de suite que ces deux gars-là font la maille, ce qui se confirmera tout au long de notre aventure. Les deux frères ne savent pas quoi faire pour nous être agréables, de plus, ces deux personnes sont de sacrés habitués de la jungle de ses pièges et dangers. Quant à la qualité de leur prestation halieutique, elle n’aura d’égal que leur gentillesse malgré des conditions climatiques parfois difficiles.
Nous arrivons au bord de l’eau après deux heures de route. Les deux pirogues équipées de moteurs hors bord 40 cv sont chargées ras la gueule. Essence, nourriture et matériel de pêche pour dix jours. Dominique, Gerard, Philippe et moi dans la grande, François et le gros du matériel dans la petite.
Nous pénétrons à ce moment-là dans un autre univers. Le barrage de petit saut est un endroit tout à fait étrange, je dirais même un peu oppressant. Le décor est à la fois magique avec cette forêt immense et en même temps lugubre avec tous ces arbres plantés droits dans l’eau sans branche ni feuille sur des kilomètres et des kilomètres. Je n’avais jamais ressenti une telle atmosphère auparavant.
Le voyage de trois heures se passera malgré tout sans encombre (pas de fantôme du lac en vue). Cela me plait déjà, et je vois au regard de Philippe qu’il n’est pas déçu de la nouvelle aventure que je lui propose. Sur la fin du parcours, le lac se rétréci dans une succession de méandres avec toujours ces arbres inondés sur la berge. L’apparition des oiseaux, aras multicolore et plein d’autres que Philippe se chargera de commenter tout le long de notre séjour. Enfin nous arrivons au carbet flottant (nom que l’on donne aux habitations en forêt) fixé à la berge par des câbles. C’est super nickel. Cuisine, douche et cabinet de toilette. Une maison sur l’eau en plein milieu de la jungle. Qui dit mieux ?
Préparation du matériel de pêche pour l’aïmara en Guyane
François et Dominique préparent l’intendance pendant que nous déballons notre matériel de pêche pour notre première rencontre avec le monstre de la Sinnamary quand, désagréable surprise en sortent mes cannes de leur fourreau… Le con ! Je n’ai regardé qu’une seule canne à l’aéroport. Une de mes deux Big Bait casting est broyée au niveau du talon et le scion de ma Zenaq a explosé en vol, ça commence fort !! Heureusement j’avais doublé la mise au niveau cannes pour les faire essayer à Gerard. La prochaine fois on ne m’y reprendra pas. Un bon tube de gouttière pvc bien épais, au diable les excédents de baguage
La rivière a deux mètres de trop et je ne reconnais pas les postes vus sur la vidéo. L’eau est un peu mâchée. François et Dominique décident de pêcher directement le premier saut qui se situe à 5 minutes du carbet.
Il fait un soleil de plomb, profitons en car cela ne sera malheureusement pas le cas tous les jours. Le paysage est splendide, la chute majestueuse. Son dénivelé est d’environ 6 à 7 m. Une petite île la sépare en deux. Nous l’attaquerons en contrebas de la pirogue. Philippe monte un rosta 115 quand a moi vue la hauteur d’eau j’ose le modèle 190, le même que j’utilise à Madagascar sur les carangues grosses têtes.
Étonnamment la big bait tien le coup sans souffrir c’est vraiment de la balle cette canne ! Trois ou quatre lancers plus tard la surface de l’eau explose derrière mon pop. Il l’a raté ! Philippe subit à son tour une attaque d’une violence inouïe.
Démarrage en trombe du poisson qui fait plier le carbone de sa canne jusque dans l’eau ! C’est le pied !! Chandelle !! Rush bien négocié car les cailloux son tout près ! Le poisson est dans l’épuisette ; mon dieu il a l’air encore plus méchant que je ne le pensais.
Après plusieurs lancer infructueux Dominique décide de nous débarquer sur l’île afin de lancer dans les remous et amortie de la chute d’eau. Gerard de son côté se situe a l’opposé de la chute. Je l’ai vue sortir un magnifique poisson que j’estime à 8 ou 9kg. Il nous le confirmera ce soir car il pèse tout Gerard !!!
Philippe disparaît avec François sur le haut de la chute, quant à moi j’ai repéré un amorti à une dizaine de mètres en queue de courant où à mon avis ça sent bon le pépère. Premier lancer et BOUM !! Rush de folie, le poisson me prend du fil, dévale comme un malade le courant très fort à cet endroit. Malheureusement il se décroche dans une magistrale chandelle. La chance me fuirait-elle un peu ?
J’entends de l’agitation plus haut, c’est Philippe qui bagarre en plein milieu de la chute, là où le courant est à son maximum. Il vient de piquer un gros à vue. Ca a l’air très rock and roll.
Je les vois apparaître cinq minutes plus tard plié en deux de rire. Le combat a été épique dans un tout petit périmètre avec un courant du diable. Plongeon forcé pour Philippe, baignade obligatoire pour François et pour finir un magnifique poisson de 11.7kg sur la balance !! L’aïmara dans ces conditions c’est vraiment du sport.
Retour au carbet avec des images plein la tête après ce début de voyage prometteur
Le carbet est assez confortable si votre voisin n’entame pas un ronflement type diesel en échappement libre. François nous a prévenus, ici il n’y a pas de moustiques. Donc vous pouvez dormir tranquilles. Pour le reste Dominique raconte quelques histoires croustillantes sur les dangers éventuels de cette forêt inextricable (serpent, araignée géante, fourmis, jaguar, orpailleur, maladie…). Je vous rassure, mis à part une bonne gamelle dans l’eau pour Philippe, aucun incident ne viendra troubler notre séjour.
Départ le lendemain à l’aube pour une nouvelle journée. Cette fois nous pêcherons les bordures en dérive mais le niveau d’eau est vraiment haut et le courant ne nous facilite pas la tâche. Normalement à cette saison la pluie n’a pas encore fait son apparition. Mais pour cette deuxième journée les cirés sont de rigueur car quand il pleut il pleut !
Retour sur le coin de pêche de la veille
Première dérive et je touche un joli poisson qui me prend mon rosta pratiquement au bateau. Quelle attaque !!! C’est monstrueux ! Un black dopé à l’E.P.O. ! Plusieurs poissons montrent le bout de leur nez, mais se contentent de nous gratifier de jolis coups de queue en guise de salut.
Résultat, un joli spécimen pour moi et une bredouille pour Phil. Gérard tirera son épingle du jeu avec un beau poisson de 11kg3 (il fait quoi Gerard ?? Il pèse tout !!).
Les poissons sont là car nous les voyons postés entre les roches. Attaques successives pour Philippe avec 2 autres spécimens de 8 et 10kg environ. De mon côté, la chance ou la maladresse se poursuit. Je change de leurre et monte un bks avec 15 cm de bas de ligne acier en 60 lbs. J’attaque le poste pêché la veille où déjà un joli poisson m’a mis minable. Le leurre tombe pile poil au bon endroit et là, surprise ! À peine le temps de dire ouf qu’un énorme aïmara se jette sur mon leurre et engloutit le tout, bas de ligne acier compris !15 centimètres de leurre plus 15 de bas de ligne acier : coupé net au-dessus de l’émerillon ! Le record du monde de Gerard a eu chaud aux étiquettes. Le reste de la journée sera difficile. Les postes que pêchent habituellement nos amis ont disparu sous deux mètres d’eau mais les résultats sont quand même là. Le paradoxe est que nous prenons de jolis poissons, alors qu’habituellement les prises sont plus nombreuses mais plus petites.
En gros la pêche se fera dans les chutes d’eau en journée et le long des berges le matin de bonne heure et tard le soir. Le bivouac que nous avons prévu sera annulé pour cause de niveau d’eau trop élevée et de toute façon camper en forêt lorsque les conditions météo ne sont pas favorables relève plus d’un calvaire que d’une vraie partie de plaisir. Tout le monde ne s’appelle pas Rambo !
Les jours se succèdent avec à peu près le même scénario. Chaque journée apportera son lot de beaux poissons. Plus le temps avance et plus nous admirons ce super combattant, imprévisible, surprenant par l’extrême violence de ses attaques.
L’Aïmara…Une vraie gueule de boxeur qui ne cherche qu’une seule chose : vous mettre KO !!
Gérard
Nous en perdront des poissons. Au fil des jours, les prises dans les sauts iront en s’amenuisant alors que les prises en dérive iront en s’accentuant. À noter tout de même la prise d’un magnifique 9.7kg qui m’en fera voir de toutes les couleurs, moi planté au beau milieu des rapides, Francois à l’épuisette 10 mètres plus bas. Ce poisson succombera à mon Z-claw Magnum non sans avoir vendu chèrement sa peau et détruit mon leurre avec ces canines.
Quand à Gerard, lors de l’une de ses dérives il battra un nouveau record du monde sur fil de 40lbs avec un spécimen de 10,7kg. Encore BRAVO à notre préposé des poids et mesures pour l’avoir annoncé la veille au soir. Mais le temps se gâte de plus en plus. Nos affaires n’arrivent même plus à sécher. Nos sorties se font entre deux déluges de pluie. Le vent se met de la partie mais la bonne humeur est toujours là. Avec Francois nous goûtons aux joies de la découverte de la forêt dans toute sa splendeur. Les arbres, les plantes, et les animaux qui la peuplent. Voyager en pêchant a l’énorme avantage de vous faire découvrir d’autres choses que les banalités proposées par les tour-opérateurs (hôtel de luxe, plages bondées, gentil organisateur de soirée grotesque ou promenade touristique entassé dans des autocars pour aller visiter le village de gentils sauvages reconstitué ou l’on vous vend de faux objets traditionnels made in china).
Modification du programme : la pêche au Tarpon en Guyane
Soucieux de nous faire plaisir, Dominique et Francois nous proposent, au soir du septième jour, de modifier le programme. Le temps est devenu vraiment pluvieux et les périodes d’accalmie diminuent d’heure en heure. La rivière grossit à vue d’œil. Ils nous proposent un retour anticipé afin de finir nos deux derniers jours de pêche sur les tarpons du marais de Kaw en Guyane.
Vendu !! Notre départ anticipé se fera le lendemain matin sous le soleil (le temps c’est vraiment contrariant). Ces 7 jours de pêches se solderont par la prise de 45 aïmaras de 6 à 11.7 kg, score pas exceptionnel mais la taille des poissons était au rendez-vous. Sachez que plus vous monterez sur la rivière, plus la quantité sera importante mais plus le poids moyen diminuera. C’est un choix à faire !
Retour a cacao dans l’après-midi. La soirée se passera chez Dominique et Rose. Au menu, caïman au curry et de nouvelles histoires de Francois. Départ de nuit pour les marais où d’après nos guides, la pluie est une chance pour l’activité des tarpons. Le marais de kaw est une réserve ornithologique où les oiseaux et autres caïmans sont protégés ce qui est très loin d’être le cas ailleurs en Guyane. Le braconnage est une institution ici ! La devise des locaux : “tout ce qui court va au four, tout ce qui vole va à la casserole !”. Mais ce marais reste un sanctuaire où des milliers d’oiseaux et de caïmans noirs vivent tranquillement au milieu d’une nature encore préservée.
Philippe pêchera avec moi et Gerard avec Rose. Très rapidement le festival commence. Touche sur touche ratée dans un festival de chandelles pour Phil qui n’a pas l’habitude du casting et d’un ferrage vraiment appuyé. L’usage de cette technique est un plus indéniable pour ce type de pêche. Contact direct avec le leurre permettent un ferrage ultra rapide, vitesse de pêche (3 lancers pour 2 avec une canne de spinning), précision du geste en font une arme redoutable. Pour les leurres les choix que nous avons sont très limites. Notre objectif était en premier lieu l’aimara. François nous proposera des vitala Marlboro. Gérard me prêtera un leurre absolument diabolique : un shad rap 8 cm. Un festival de poissons entre 2 et 6 kg jusqu’au moment ou un tarpon d’une vingtaine de kg viendra mettre un terme à la kermesse en emmènent avec lui dans une monstrueuse chandelle l’objet tant convoitée par mes camarades.
La journée du lendemain sera plus calme, mais nous gratifiera tout de même d’une trentaine de tarpons. Nous repartirons donc avant l’arrivée des moustiques car dans les marais attention !! À partir de 6heure de l’après-midi c’est vraiment l’enfer. De plus ces deux derniers jours se passeront sous le soleil et nous permettront de faire enfin sécher linge et matériel.
Conclusion
Pour résumer, ce voyage aura été une vraie satisfaction tant au niveau des endroits pêchés, qu’à l’extraordinaire bagarre de ces 2 formidables combattants. Mais la chose essentielle dans ce séjour aura été l’extraordinaire dévouement et gentillesse de notre équipe de guides (Francois et Dominique). Depuis que je voyage pour assouvir ma passion de la pêche, je n’ai que très rarement rencontré 2 gars aussi sympas et dévoués. Bravo et encore merci pour tout.